CLÉMEN PATUREL
École
Nationale
Supérieure
Architecture
Grenoble
ARCHITECTE
Diplômé de l'
d'
de





/// Trois séquences dans trois lieux

/// Marché de l'estacade

/// Marché de l'estacade

/// Trois séquences dans trois lieux
// Cycle
//// Quatrième année
// Type de projet
//// Analyse urbaine
// Programme
//// Travail vidéo sur les ambiances urbaines
La ville est constituée d'une multitude d'éléments physiques: des rues, des places, des bâtiments, des gens, des voitures, des magasins, et d'éléments immatériels: de la vitesse, du bruit... C'est dans la relation établie entre les dimensions sensibles, sociales et physiques d'un lieu que se jouent les ambiances urbaines. Jaques Levy et Michel Lussault définissent cette notion d'ambiance « comme une situation d'interaction sensible entre la réalité matérielle architecturale et urbaine et sa représentation sociale, technique et/ou esthétique ».
Travail vidéo : "Ambiances et Temporalités"
LEVY, Jacques, LUSSAULT, Michel.
Dictionnaire de la Géographie et de l'espace de la société.
Paris : Ed. Belin.2003. p. 60
Interprétation piétonne de la ville
La vidéographie au plus près du ressenti
Lieux d'intervention contrastés
Mode de montage et analyse
Une analyse néanmoins subjective
En parcourant une ville, l'homme en fait l'expérience, en la vivant durant une durée définie. Ainsi le piéton ressent son environnement de manière unique, selon différents facteurs et acteurs du lieu. De plus, en marchant, il engendre des mécanismes qui sont directement liés aux sens. Les degrés de perception étant différents pour chaque individu, cette expérience lui est propre.
Lors de cette expérience, la personne perçoit un environnement, elle en déduit sa qualité, parfois même sa fonction, à un instant donné.
Dans ce travail nous tentons de donner à voir quelque chose qui n'est pas pleinement représentable : le ressenti d'une ambiance. Comment faire part à une personne de ce qu'on éprouve en parcourant une ville avec ses lumières, ses sons, son mouvement ? Quel support est le plus approprié pour transmettre cette impression ?
Dans cette démarche, il s'agit de trouver un moyen de restituer les éléments constituant les ambiances urbaines au plus juste possible. L'avantage du travail avec la vidéo réside dans sa façon d'aborder le domaine des ambiances car elle associe la vue et l'ouïe, tout en introduisant la notion du temps et du mouvement. Elle permet de retranscrire ce que voit le piéton en parcourant la ville. Le spectateur peut traverser un lieu, il voit ce qui est capté par la caméra et entend ce qui est enregistré par le microphone.
La première intention est de proposer une comparaison entre différents lieux ayant des ambiances diverses. Le choix des lieux est conditionné par leur diversité d'ambiances en fonction du temps, de l'usage et de la configuration spatiale. Ces critères ont permis de déterminer trois lieux plus ou moins ouverts, fréquentés et contrastés de manières différentes durant la journée. De par leurs caractéristiques respectives, correspondantes aux critères évoqués ci-dessus, nous avons choisi l'espace sous le pont de l'Estacade, la Caserne de Bonne et le Centre ville. Tous ces lieux ont un caractère linéaire, ce qui nous à permis de développer le protocole de captation détaillé dans la partie suivante.
Dans le but de provoquer la comparaison de ces trois lieux, nous avons choisi de filmer en conservant le même cadrage et les mêmes perspectives pour chacun d'entre eux. Les images sont filmées en marchant avec une caméra embarquée, en regardant toujours devant soi. On cherche à attirer l'attention du spectateur sur les composants du plan et non pas sur une différence des points de vue. Nous avons donc pris soin de garder toujours une ligne d'horizon à hauteur d'homme (environ 1,75m). En contrepartie, ce parti pris associé au caractère linéaire des lieux permet d'avoir une continuité formelle dans le film. En effet, elle sert non seulement de guide pour le parcours d'un lieu, mais elle assure également la cohérence conceptuelle du film puisque les trois lieux sont filmés de la même façon.
Nous avons souhaité comparer différentes ambiances d'un lieu tout en donnant au spectateur une sensation de continuité comme évoqué ci-dessus. En conséquence, l'espace est traversé de manière spatiale continue mais de manière temporelle fragmentée :
Le lieu est filmé dans l'intégralité de son parcours, à différentes heures de la journée. Lors du montage, chaque prise est coupée en séquences de durée variable, qui dépendent de plusieurs facteurs : l'action visuelle (d'une personne, d'une source lumineuse) ou sonore (musique, fond sonore, discussion ...). Une séquence définie par le son sera longue afin de faire ressentir l'évolution du son dans le temps. Une autre séquence peut débuter avec une action soudaine, comme par exemple les skater qui sautent au milieu des gens à la Caserne de Bonne.
La traversée est ensuite recomposée de façon formelle et spatiale, en captant les images de manière linéaire. Les séquences s'enchainent, passant d'une temporalité à l'autre, recréant le parcours d'origine. En effet, la promenade recherche une ellipse temporelle (on passe par exemple d'une séquence filmée à 6h à une séquence filmée à 9h), les variations des activités, sonores, lumineuses, et ainsi de suite, tout en gardant une unité de mouvement, pour garder un fil conducteur durant la projection.
Ainsi, enchainant des séquences montrant des ambiances diverses dans un même lieu, on veut inciter le spectateur à la comparaison et ainsi à l'analyse : Qu'est ce qui a changé? La lumière, le son, le lieu, le moment ? Le plan visualisé est-il plus agréable que le précédent ? Il y a-t-il moins de bruit? Plus de présence humaine ?... C'est dans cette logique que les critères de transition entre les différents plans de la vidéo ont été pensés : on passe du jour à la nuit, d'un passage bruyant à une rue calme, d'une place débordante de piétons au centre-ville déserté. L'analyse des ambiances se fait de manière comparative.
Dans ce travail de recherche, la vidéo, comme outil de représentation, nous permet de retranscrire le ressenti des ambiances lors de la traversée d'une ville. Cependant il ne faut pas oublier que la vidéo offre un point de vue subjectif. Le fait qu'il y ait une personne qui tient la caméra et la manipule rend la représentation déjà teinté de subjectivité car justement, cette personne choisit la manière de filmer et ce qu'elle représente en images. La vidéo nous montre un point de vue choisi par le cameraman. Cette subjectivité se retrouve aussi lors du montage, par le choix des différentes séquences, mais elle permet de développer l'analyse.
De plus, on constate que la vidéo, même étant un média polysensoriel associant l'image et le son, n'arrive pas à représenter l'ensemble des éléments qui constituent les ambiances urbaines. Le vent ne peut pas souffler à travers l'objectif de la caméra, de même que le froid ou la chaleur ne se transmettent pas directement en images. Par contre, en voyant des personnages en veste d'hiver, le spectateur en déduit qu'au moment du tournage du film il faisait froid. En voyant les arbres bouger ou des feuilles voler, il en déduit la présence du vent. Alors que pour certains de ces cas la solution reste dans l'imagination du spectateur et dans son pouvoir de déduction, la vidéo est incapable de transmettre d'autres données, notamment du genre olfactif.
De plus, nous proposons un plan large qui offre une vision de l'espace, sans pour autant se focaliser sur des points précis. Le spectateur est libre de s'attarder sur un élément de la scène. Nous nous plaçons dans une démarche utilisant l'image-mouvement, c'est à dire « une image moyenne à laquelle le mouvement ne s'ajoute pas, ne s'additionne pas […] mais à laquelle le mouvement appartient comme donnée immédiate».
A la linéarité s'ajoute également la volonté de travailler les ambiances au fil de la journée. Dans un même lieu peuvent exister diverses ambiances selon les temps de la journée dans lesquels on les parcourt. Pour illustrer le principe de cette temporalité, nous pouvons citer l'exemple de l'espace sous le pont de l'Estacade. Il s'agit d'un lieu situé sous une voie ferrée. Cet espace est investi le matin, du mardi au dimanche par le marché. Dès l'aube, alors que la ville dort encore, les marchands arrivent et installent leurs étalages dans le crépuscule, éclairés par les néons, pour se préparer à l'arrivée des premiers clients. À la fin de la matinée, l'espace se vide progressivement, les bruits typiques du marché cessent et les tas de déchets et de caisses vides prennent la place des étalages. Enfin, après le passage des éboueurs le lieu est investi par les automobilistes qui y trouvent des places de parking. En captant ces moments, la vidéo permet de définir les différentes fonctions du lieu créées par ces activités, et de les comparer avec les autres lieux.
En associant, par exemple une séquence ensoleillée et une en pleine nuit, la transition met en avant les qualités lumineuses du lieu, qu'elles soient artificielles ou naturelles. Alors que certaines transitions traitent davantage d'une comparaison visuelle, d'autres soulignent des sonorités, comme par exemple le passage d'une séquence calme, martelée par le son d'une canne d'une personne marchant sur une rue pavé à celle avec un accordéon comme fond sonore.
Ce type de transition place d'emblée le spectateur dans une démarche d'analyse, dirigée par la nature de la transition. Afin d'intensifier la confrontation des ambiances de ces séquences et de faciliter l'analyse qui en découle, les transitions entre les plans se font en coupes franches.
Certaines séquences interviennent comme des flash-back au milieu de séquence plus longues pour des questions de rythme tout en gardant des qualités analytiques. Les transitions entre des séquences de durées variées comme décrites cidessus, placent le spectateur dans un rythme particulier, non répétitif. Le spectateur ne sait pas quand il va changer de séquence, il est transporté d'une ambiance à l'autre tout au long du film. Les flash limitent le temps d'analyse par leur faible durée, le spectateur ne garde que l'essentiel de la transition.
Finalement, à travers la comparaison des différents types de lieu, la nature des transitions ou la durée d'une séquence, on invite le spectateur à identifier les caractéristiques d'un lieu à travers ses ambiances. Dans un soucis de retranscrire le réel, on prendra soin de garder l'image telle quelle lors de la postproduction, aucun filtre ou retouche ne sont apportés, on filme à la manière d'un reportage.
Ainsi il ne s'agit pas d'un travail visant des méthodes prédéfinies d'une analyse des ambiances urbaines. Il ne s'agit pas d'essayer d'expliquer comment une scène urbaine peut être vécue et quels sont les acteurs capables de la modifier. Le ressenti d'un lieu dépendant du vécu, des associations de la personne qui le parcourt, il semble évident qu'une analyse objective et universelle de ce que constitue les ambiances n'est pas réalisable. Suivant l'idée de faire ressentir au spectateur ce qu'est important, il nous semble plus pertinent de l'immerger dans ce qui est la ville, dans le but de lui faire faire l'expérience de ce que sont les ambiances et ce qui les modifie.
Pour cela, le spectateur se focalise sur ce qu'il voit et entend. Il parvient à une analyse à travers le visionnage de ce qui est présenté.
Finalement, le film crée chez le spectateur un sentiment d'étrangeté. Le fait d'avancer dans un même espace, mais également à différents moments, évoque chez le spectateur un sentiment de désorientation. Il essaye de s'accrocher à l'espace en évacuant la notion de la continuité temporelle. Le fait d'enchaîner des séquences variées, filmées d'une manière « flottante » et de passer d'une temporalité à une autre modifie notre perception de l'espace tandis que ce dernier reste toujours le même.
DELEUZE, Gilles.
Cinéma 1 : Image-mouvement.

"AMBIANCES & TEMPORALITÉS"